Journalisme scientifique : conseils de rédaction
Conseils pour la rédaction d’un article de journalisme scientifique
« Tout lecteur, à tout moment de sa lecture, demeure pris entre le désir de savoir et la contrainte de lire » écrivait Jacques Douël en 1981 dans Le journal tel qu’il est lu. Cette citation est toujours valable aujourd’hui. La lecture étant perçue comme un effort à fournir, il convient de la rendre la plus aisée et intéressante possible. Pour cela, il faut éliminer le maximum d’obstacles à la compréhension et à la fluidité du texte, tout en le rendant attractif et vivant.
Ces quelques conseils, qui ne concernent pas le fond de l’article mais uniquement sa forme, vous guideront dans la manière de présenter des informations scientifiques afin de susciter chez le lecteur l’envie de lire votre article jusqu’au bout.
Définir le message essentiel
Avant de vous lancer dans la rédaction de l’article, il convient d’en définir l’idée principale, le message essentiel que vous souhaitez délivrer. Pour cela, il est parfois utile de se poser les questions suivantes :
Qui ?
Quoi ?
Où ?
Quand ?
Comment ?
Pourquoi ?
Répondre brièvement à ces quelques questions vous permettra de définir l’angle d’approche de l’article et vous guidera dans l’élaboration de votre plan. Le message essentiel doit apparaître clairement dès le début de l’article (au travers de la titraille - titre/surtitre/sous-titre - du chapeau...). Afin de ne pas noyer le lecteur dans les détails, l’information doit être présentée sous la forme d’une pyramide inversée : du plus général au plus spécifique, avec une contextualisation du sujet (dans le chapeau et dans l’introduction de l’article).
Exemples d’angles d’approche
A propos des tortues marines : Les tortues marines sont menacées par les activités humaines Les tortues marines sont des « fossiles vivants » (elles ont peu évolué depuis des millions d’années) Les tortues marines ont une vie pleine de dangers |
Prendre en compte le lecteur et les conditions de lecture
A ce stade-là, avant de commencer à écrire, il est très important de prendre en compte le lecteur auquel s’adresse l’article (âge, niveau de culture générale, etc.). En effet, on ne s’adresse pas le même façon à un enfant ou à un adulte, à un amateur de sciences ou à un novice, etc.
De la même manière, le support de l’article et les conditions dans lesquelles il sera lu sont à prendre en compte dans la rédaction. Par exemple, le ton de l’article ne sera pas le même selon que l’on écrit pour un quotidien d’information, pour une revue de vulgarisation, etc.
Les conditions dans lesquelles l’article sera lu sont également importantes à considérer : par exemple, un article publié sur le web que l’on lit en surfant de page en page aura tendance à être moins long qu’un article publié dans un magazine, que l’on lit tranquillement chez soi posé dans son canapé...
Faciliter la lisibilité du texte
Voici quelques règles à respecter pour rendre la lecture plus fluide :
Utilisez le plus possible des phrases courtes (entre 10 et 15 mots) : elles sont plus faciles à comprendre et à retenir que les phrases longues.
Appliquez autant que faire se peut la maxime suivante : « une idée par phrase, une phrase par idée ».
Entamez un nouveau paragraphe à chaque nouvelle séquence de votre développement. La longueur moyenne d’un paragraphe ne devrait pas excéder 70 à 80 mots.
Faites attention aux mots que vous utilisez : dans la mesure du possible privilégiez des mots à sens unique afin d’éviter les confusions et les imprécisions. Préférez les mots courts aux mots longs, les mots communs aux mots savants. Si l’utilisation de termes techniques ou scientifiques s’avère indispensable, prenez soin de les définir, soit en les explicitant directement dans le texte, soit en ajoutant un lexique.
Exemples
Utilisez « trop » plutôt que « excessivement », « déçu » plutôt que « désappointé ». La lave, de la roche en fusion très chaude, est éjectée par la cheminée volcanique. Les lichens, ce sont des êtres vivants résultant d’une symbiose, c’est-à-dire une association à bénéfice réciproque, entre un champignon et une algue microscopique. |
Si vous employez des données chiffrées, comparez-les à des ordres de grandeur signifiants pour le lecteur.
Exemples
La foret amazonienne est défrichée au rythme de 52 000 km2 par an : c’est l’équivalent de plus de quatre terrains de foot qui disparaissent chaque seconde. Dans le monde, plus de 800 millions de personnes souffrent de la malnutrition, soit près d’une personne sur six. |
Évitez les redondances et les pléonasmes qui alourdissent inutilement le texte.
Exemples
Les négociations actuellement en cours Hésiter entre deux solutions différentes La courte allocution Une panacée universelle |
Explicitez les sigles lors de leur première apparition dans le texte.
Lorsque vous utilisez des noms propres, n’oubliez pas de les replacer dans leur contexte, partant du principe que le lecteur ne les connaît pas forcément.
Exemples
N’écrivez pas « Quand Charles Darwin formule sa théorie de l’évolution, c’est le grand choc » Écrivez plutôt : « Quand le naturaliste anglais Charles Darwin formule sa théorie de l’évolution, en 1859, c’est le grand choc ! » |
N’employez jamais un mot que vous ne comprenez pas parfaitement vous-même. Dans ce cas, n’hésitez pas à consulter un dictionnaire.
Évitez les répétitions : employez si possible des synonymes, sauf s’ils conduisent à des confusions possibles ou à une modification de l’idée de départ. Dans ce cas, essayez de modifier la structure de la phrase afin d’augmenter l’intervalle entre le mot répété.
NB : cette règle concerne les mots du français courant, mais ne s’applique pas aux concepts scientifiques qui ont généralement un sens bien précis et que l’on ne peut souvent pas remplacer par un terme équivalent.
Exemples
On pourra remplacer « souvent » par « fréquemment », « la plupart du temps », « généralement », etc. En revanche on utilisera toujours le terme « espèces exotiques envahissantes » (terme scientifique accepté en français) et non « espèces invasives » (qui est un anglicisme) |
Simplifiez l’emploi des temps : contentez-vous de l’indicatif (présent, imparfait, passé simple, futur). Privilégiez toujours le présent narratif. Attention, l’emploi du subjonctif est parfois indispensable après certaines propositions subordonnées.
Dans tous les cas, respectez les règles de grammaire, d’orthographe, de conjugaison, de syntaxe et de ponctuation de la langue française.
Donner du rythme à votre texte
Voici quelques conseils pour rendre votre texte vivant et attractif, briser la monotonie :
Remplacez au maximum les verbes faibles (être, avoir) et les verbes outils (faire, proposer…) par des verbes plus précis.
Alternez des phrases de longueur moyenne (10 à 15 mots) avec quelques phrases plus longues ou plus courtes afin de rythmer la lecture.
Exemple
A quoi ressemble l’Univers ? Depuis des millénaires que l’on se pose cette question, le défilé des réponses n’a pas cessé. L’Univers a été rond comme une balle puis plat comme une galette. Il a été coupé en deux puis recollé. Il a ressemblé à une gigantesque tente puis à un empilement de ciels ; il a eu un seul centre puis plusieurs centres, puis plus de centre du tout ; il a été infini, puis fini, puis de nouveau infini… |
Adressez-vous directement au lecteur : en le questionnant, en le prenant à parti, en partageant avec lui des émotions, en recherchant son adhésion…
Exemple
Quel monde allons-nous léguer à nos petits-enfants sachant qu’à ce rythme, à la fin du XXIe siècle, nous aurons éliminé la moitié ou davantage des plantes et des animaux de la planète ? |
Introduisez dans votre texte des citations de personnes que vous avez interrogées pour préparer votre article
Exemples
"Au début, on nous prenait pour de doux rêveurs » se souvient Stéphane Ciccione, le directeur de Kelonia. "L’abeille domestique, Apis mellifera, est un peu « le baromètre des populations sauvages » explique Bernard Vaissière, spécialiste de la pollinisation à l’INRA. |
Illustrez vos propos par des exemples : les concepts, les idées abstraites, les notions théoriques doivent être illustrées par des exemples concrets, connus par le lecteur. Avoir recours à l’exemple permet non seulement de rendre l’idée intelligible, mais aussi au lecteur de mieux retenir l’idée en faisant appel au sensible. L’exemple peut succéder à l’idée. Dans ce cas il est introduit par des formules telles que : « par exemple », « en particulier », « tel est le cas de… », etc. Ou bien l’exemple peut précéder l’idée : dans ce cas on pourra employer des formules telles que : « cet exemple montre… », « cette situation illustre… », etc.
Exemples
Au sein des ancêtres des dodos, tous les individus ne disposaient pas des mêmes capacités de vol (comme nous, les Hommes, sommes plus ou moins aptes à la course, par exemple). La disparition d’une espèce a souvent des répercussions sur les autres espèces du milieu. Exemple : les graines du bois blanc, enveloppées dans un fruit charnu, étaient dispersées par les tortues et les gros oiseaux aujourd’hui disparus. L’espèce ne peut donc plus se disséminer dans le milieu. |
Inciter à la lecture
Voici quelques conseils pour que votre article donne envie d’être lu :
Ménagez plusieurs niveaux de lecture : le lecteur ne va pas nécessairement commencer le texte par le début et le lire jusqu’à la fin de façon linéaire. Il va plutôt dans un premier temps balayer l’article du regard en y cherchant des points d’accroche, qu’il faut donc lui fournir. Ce sont : le titre de l’article, complété éventuellement par un sous-titre et/ou un surtitre ; le chapeau, qui suit le titre et précède le corps du texte, reprend le message essentiel en suscitant la curiosité du lecteur ; les intertitres, qui font ressortir les principales idées du développement de l’article ; les illustrations assorties de légendes ; les encadrés qui peuvent développer un exemple ou une idée sans alourdir le corps de l’article ; l’attaque et la chute : ce sont respectivement le premier et le dernier paragraphe de l’article et enfin la mise en page.
Le titre : il doit inciter et inviter à la lecture. Le titre doit condenser l’idée principale en une formule qui dit l’essentiel, tout en étant très lisible et compréhensible. Il existe plusieurs formes de titres : le titre informatif, le titre incitatif et le titre mixte (informatif et incitatif). Un titre mixte est souvent préférable, mais à condition qu’il reste en rapport avec le sujet et qu’il soit évident pour le lecteur. Si besoin, le titre peut être complété par un surtitre et/ou un sous-titre.
Exemples
Titres informatifs :
Titres incitatifs :
Titres mixtes :
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Le chapeau : situé entre le titre et le corps de l’article, son rôle est de résumer la substance du texte ou d’en donner un aperçu. Il représente environ un dixième de la longueur de l’article. Le chapeau peut être informatif : il donne un résumé de l’information contenue dans l’article (comme le synopsis d’un film) ou bien incitatif : il indique le sujet et en livre quelques échantillons pour mettre le lecteur en appétit (comme la bande-annonce d’un film) ou encore une combinaison des deux.
Exemples
Chapeau informatif :
Chapeau incitatif
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Les illustrations sont très importantes dans un article (photos, schémas, tableaux, graphiques, dessins, etc.). Elles permettent selon le cas d’attirer le lecteur dans le texte, de donner une assise au raisonnement, de rendre une idée plus concrète, de faciliter la compréhension et la mémorisation, d’aérer le texte. L’illustration ne parle pas d’elle-même mais est toujours accompagnée d’une légende explicative, concise, qui permet de la relier aux propos tenus dans le texte. Il ne faut toutefois pas en abuser, une illustration présente un intérêt si elle est pertinente et complémentaire par rapport au texte, simple et lisible, originale. Attention lorsque vous utilisez une illustration, citez toujours sa source et son auteur. Si l’article est destiné à être diffusé, il convient d’avoir l’autorisation de l’auteur ou du propriétaire de l’illustration.
L’attaque : c’est la première phrase du texte, elle doit donner l’envie d’aller plus loin. Elle doit être concise et intéressante, d’une écriture simple et nerveuse. Il est préférable d’attaquer le sujet traité sous un angle étroit, de démarrer le texte par du concret, un point de détail frappant, plutôt que par des généralités.
Exemples
Tout avait pourtant si bien commencé ! Le 10 septembre 2008, le plus grand accélérateur de particules du monde, le Grand Collisionneur de Hardons ou LHC, est mis en route au CERN, à la frontière suisse. Un moment historique. Mais d’où peut bien provenir le méthane martien ? Depuis sa détection dans l’atmosphère de la planète rouge grâce à la sonde Mars Express en 2004, les planétologues s’évertuent à dénicher la source de ce gaz. Mais quel est l’âge de la Terre ? Cinquante ans ! Pour se mettre d’accord sur l’âge de la Terre, physiciens et naturalistes ont mis pas moins d’un demi-siècle, ce qui en fait l’une des controverses scientifiques les plus longues de l’histoire. |
La chute : c’est la dernière phrase du texte, la dernière impression laissée au lecteur. Elle doit recentrer le propos, ouvrir des perspectives. Comme l’attaque elle doit être brève, rythmée et originale.
Exemples
Les prochaines missions, Mars Science Laboratory en 2011, Mars Science Orbiter en 2016 et Exomars en 2018, devraient permettre d’y voir plus clair. Cette proposition rencontrera-t-elle l’adhésion d’une majorité de biologistes ? Les paris sont lancés ! L’enjeu du problème sociétal que constitue l’énergie ne vaut-il pas une telle prise de risque ? |
La mise en page joue un rôle primordial pour mettre en valeur votre article. Elle permet la mise en ordre de l’information contenue dans votre article, sa hiérarchisation, la séduction du lecteur. Le texte doit être aéré, le balisage du l’article doit être mis en valeur : titres, intertitres, chapeau, illustrations. Certains exemples ou concepts peuvent être présentés sous forme d’encadrés pour apporter un éclairage sans alourdir le texte principal.
Bibliographie
De Broucker J., Pratique de l’information et écritures journalistiques, Pairs, CFPJ, 1995
Douël J., Le journal tel qu’il est lu, Paris, CFPJ, 1981
Furet C., Le titre, pour donner envie de lire, CFPJ, 1995
Guéry L. et Lebedel P., Comment créer et animer une publication, Paris, CFPJ, 1994
Meyer B., Les pratiques de communication, Paris, Armand Colin, 1998
Pierron C. et Pierron O., Savoir écrire pour être efficace, Paris, Retz, 2000
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date de publication : 4 novembre 2010,
date de dernière mise à jour : 4 novembre 2010
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