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épistémolo...quoi ???

cet article, inspiré par la lettre à Ménécée d’Epicure, se veut être un inventaire des écueils potentiels et un garde fou à l’attention de tous les futurs scientifiques...c’est pourquoi j’y utilise ce ton bienveillant du « maître » à son élève...comme Epicure envers son disciple. l’aspect presque « moralisateur » du propos est un parti pris car mon intention n’est pas de faire écho aux impacts positifs de la recherche scientifique dans son ensemble, mais plutôt de « responsabiliser » celui ou celle qui deviendra un scientifique, sur ce que l’on n’apprend pas forcément (ou peu, ou mal !) lors des longs cursus qui mènent un étudiant à devenir un professionnel conscient des enjeux liés à sa profession. l’article se veut aussi être une introduction à la « science des sciences »...l’épistémologie !

« science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (François Rabelais)

=> Un passé prometteur :

Cher futur chercheur, à la vue de l’aventure incroyable qu’est la notre, tu pourrais très facilement tomber dans une fascination sans limite pour notre espèce, capable de tout...c’est bien là le problème !

Penses-y, cette créature ne possédant ni ailes, ni branchies, ni crocs acérés n’a dû son salut et son extraction du principe de chaîne alimentaire, qu’à deux raisons :

- la collaboration, l’empathie devant l’adversité, et de fait, le partage des savoirs faire de chacun par le mécanisme socialisant de la spécialisation.

- la croissance, facilitée par la première raison, d’un organe que l’on peut qualifier d’hypertrophié, tant l’accroissement de son volume et de son coût métabolique ne sont presque pas rationnels :

NOTRE CERVEAU...et le cortège de possibilités prodigieuses dont il regorge, proportionnel au nombre de prisons qu’il contient...

Et aujourd’hui, nantis de ce processeur dont nous ignorons encore presque toutes les potentialités ainsi que d’outils de mesure et d’exploration de plus en plus sophistiqués, nous voilà maîtres dans les airs, sur terre, sur et sous l’eau...les limites de la « terra incognita » finalement repoussées dans ses retranchements théoriques...l’infiniment grand et l’infiniment petit, la mécanique quantique, la théorie des cordes ?...et après ?

Tant et si bien, qu’après un processus étalé sur des millions d’années, nous ressentons, et c’est compréhensible, un vertige, une sorte d’ivresse teintée de fierté, en voyant comment nous nous sommes...pensons-nous...extraits des mécanismes de la « sélection naturelle »(Darwin), grâce à nos sciences, et aux progrès techniques qui en découlent...

Cependant nous arrivons à une situation, où, bon gré mal gré, notre espèce toute entière semble être prise en otage par ses propres capacités à surmonter les contingences naturelles qui garantissent le bon fonctionnement de tout écosystème, aussi bien dans son ensemble que pour les éléments qui les composent...nous avons perdu ou raté quelque chose en chemin...

=> Une actualité préoccupante :

Notre obsession de la performance, de la vitesse, nous rapproche de plus en plus des sauterelles dans notre démographie et notre empreinte écologique...sans parler de la mauvaise santé générale de notre espèce, avec l ’apparition des maladies dégénératives liées à l’affaiblissement de notre système immunitaire.

Et, à ce moment précis, tu pourras aisément déchanter à la vue de notre impact sur ces écosystèmes, et du divorce presque entièrement consommé d’avec « dame nature », bien trop exigeante avec ses « petits », là ou « maman culture » nous garantit tant de douceurs et de sécurité...

Voici donc l’anthropocentrisme, la racine du fameux « contrat social »de Rousseau que personne n’a signé...dont tu devras te méfier tant il nous fait perdre toute possibilité d’effleurer le saint des saints : « l’objectivité »...si elle existe !...

L’humain doit-il et peut -il légitimement revendiquer la place sur le trône de « l’espèce la plus évoluée » ?...mérite-t-il de jouir sans partage des richesses de ce monde ? est-il bon par nature ?...qu’il te soit permis d’en douter quand c’est nécessaire...

Mon propos n’est évidemment pas de verser dans une misanthropie stérile.. « l’humain », comme projet ne se réalisera que dans la mise en commun des bonnes volontés...non, l’idée, qui ne m’appartient pas, est de relativiser un tant soit peu l’auto-satisfaction, l’euphorie qui caractérisent l’espèce humaine tant qu’elle peut croître, sans jamais se soucier des ressources limitées de notre planète, et à mille lieues de, ne serait-ce qu’envisager, de stabiliser sa croissance....quant à décroître, n’en parlons même pas !

« L’humain », ne l’oublies pas, est un projet, un beau leitmotiv, mais tu rencontreras très souvent des personnes que ce projet ne transcende, ni n’émeut pas une seconde !

L’esprit inquisiteur, la curiosité de notre espèce sont à la fois une bénédiction et une malédiction tant il nous est impossible de changer de cap autrement qu’à l’échelle de l’individu...une mouche dans un avion ne saurait faire changer sa trajectoire, mais elle peut quand même jouir de son libre arbitre dans l’avion...et si on s’y met à plusieurs...l ’union fait la force !...un beau jour, qui sait ?

=> Un avenir à écrire ensemble :

Ce petit texte s’adresse donc à toi en tant qu’ individu, en tant que moteur de l’évolution, et ne se veut pas placardé comme une recommandation au plus grand nombre...vraiment !

Il n’appartient qu’aux individus qui composent les équipes de chercheurs d’être responsables, et en conscience des enjeux positifs et négatifs liés à leurs travaux quant à l’environnement mais aussi quant aux thèmes actuels de « l’obsolescence programmée », « de la pollution », « de la santé publique », « de l’alimentation », « du partage des richesses », « du développement durable », « de l’érosion de la biodiversité »...et tant d’autres !

J’aimerais constater que l’humain qui en gouverne d’autres et celui qui détient les moyens de production soient assurément bien intentionnés mais je ne suis désespérément pas doué pour faire l’autruche et j’ai guéri mon syndrome de Stockholm...je ne suis plus capable d’empathie pour mes geôliers !...ne m’en veux pas, si je noircis peut-être un peu trop le tableau...

Tu devras faire confiance, mais tu seras trahi à coup sûr...ou bien tu pourrais même faire partie de ceux qui font brûler les nouveaux Galilée, par esprit de corps et instincts grégaires mal placés... « prudence est mère de sûreté ! »

On ne peut, et on ne doit pas généraliser, mais dans une énorme partie des cas, toute découverte, innovation, avancée technologique est récupérée, instrumentalisée à des fins loin d’être philanthropes, par des investisseurs, des industriels, des despotes, des laboratoires , quand ce n’est pas par des chercheurs dont la motivation est le profit...prudence donc !

Ami futur chercheur, peu importe la discipline que tu choisiras, gardes à l’esprit que ton long cursus ne doit te mener dans une spécialisation telle que tu ne verras plus midi qu’à ta porte, cultive donc ton esprit de synthèse, efforce toi de devenir plus complet que complexe... Souviens toi que ton ego sera souvent tenté d’oublier Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »...les idées n’appartiennent à personne, on les recycle et on les transmet, pas plus !

Sers toi de tout ce que tu peux, rappelles toi que les plus grandes avancées scientifiques, aujourd’hui intégrées dans notre paradigme sont issues de l’expression artistique, de l’imagination, et pas forcément des outils et des thèses les plus complexes ! Lorsque la raison cale, et bute sur des questions métaphysiques... fais appel au sens divinatoire, presque magique qu’ont les artistes pour deviner de quoi demain sera fait : Jules Verne a tiré des réalités d’on ne sait où ... qui sont les nôtres aujourd’hui... il y’ a plus d’un siècle !...de même pour Isaac Asimov, George Orwell et tant d’autres !

Et lorsque ces mêmes artistes sombrent dans un pessimisme superstitieux,ou une mièvrerie sans bornes, comme de nos jours ?... apportes donc un peu de positivisme, de rationalité...nos temps modernes voient apparaître une production massive d’ œuvres artistiques sombres, acides, violentes...scénarios post-apocalyptiques, virus destructeurs, machines au pouvoir...accompagnées d’œuvres vides de sens et interchangeables, lénifiantes et utilisées comme « opium du peuple »(Karl Marx). L’on peut y voir un signal d’alarme auquel il faut répondre par un espoir raisonnable dans le futur... pas forcément meilleur, mais au moins un futur !

C’est un autre aspect de la fonction sociétale de la science...défricher un chemin, un possible...

A ce sujet, dans ton lien avec ceux qui vivent loin de la science...à l’instar des Hubert Reeves et autres Albert Jacquard ...vulgarises, mets en formes pour tous !...ne t’enfermes pas dans ton langage obtus de spécialiste.

Une chose encore, n’oublies jamais que l’argent investi dans tes recherches pourrait aussi bien servir à nourrir, loger, vêtir ceux qui en ont besoin...ne gaspille pas la chance et la confiance que tes contemporains te donnent de les aider à vivre.

L’humain semble aujourd’hui prêt à mettre en pratique la cosmogonie dite « systémique » qui lui permettra de retrouver un rapport plus sain entre la part et le tout...tout chercheur reconnu que tu puisses devenir, tu n’es que la part d’un tout...tu ne vaux pas plus que le système qui t’a permis de naître...mais tu ne vaux pas moins pour autant...tu en fais partie tout simplement !!! n’oublies jamais ça !!!...

Et malgré tout, en dépit de toute la sagesse et la bonne volonté dont tu feras preuve, par définition, aussi évolué que tu penses être, il y’ a ce que tu comprends...et ce que tu ne comprends pas !...il en a toujours été et il en sera toujours ainsi ! Voilà donc refroidis les mythes du sur-homme et le fantasme de l’omniscience...l’humilité doit rester de mise quant aux vérités que nous tenons pour acquises....

Les mystères auxquels seule la foi religieuse puisse répondre auront sûrement un jour des explications disons plus rationnelles, mais il te faudra accepter de ne pas pouvoir y répondre... pour l’instant...

L’espoir réside dans notre capacité à ouvrir des yeux « neufs » sur ce qui nous entoure...ce que l’on « découvre » ou dé-couvre, existait avant qu’on n’y prête attention, à l’abri de notre regard...couvert par un voile de « normopathie »...

Les axiomes, les paradigmes, les consensus, les mentalités des spécialistes, ont besoin d’être secoués et de revoir leurs copies plus souvent qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici...tout change...le mouvement est ce qui définit le mieux le vivant...

Il t’ appartiendra en dernier lieu, en ton âme et conscience, de décider de travailler avec des « progressistes » ou des « réactionnaires », mais ne choisis pas un camp aux dépens de l’autre, c’est de leur confrontation que les sciences se nourrissent !

Prends garde aux pièges qui guettent autant le « jeune réformiste ambitieux » que le « vieux rétrograde imbu de sa personne »...lorsqu’ils réclament les clefs du gardien du temple. Attention aussi aux communautarismes intra et inter disciplines qui cloisonnent le savoir, en opposant les sciences humaines aux sciences naturelles, les« théoriciens » aux « manuels », les « orthodoxes » aux « autodidactes », les « farfelus » aux « officiels »...et surtout les hommes aux femmes ! Souviens toi qu’une méthode ne peut et ne doit être que le complément d’une autre...tu devras tout considérer, à défaut d’y adhérer...en cela tu trouveras tes limites...il existera toujours un « au-delà de tes convictions »...

Quant à la postérité que l’on cherche tous secrètement à atteindre, ne laisse pas l’ambition te dévorer et altérer la qualité et l’intégrité de ta démarche...saches par ailleurs que l’épreuve du temps se charge de la sélection culturelle des idées par la fractalisation...ainsi tu pourras tout au mieux être l’épicentre, le foyer d’un courant de pensée, d’une méthode...dans le respect de ceux qui t’ont influencé et dans l’ignorance de ceux que tu vas influencer, mais rien de tout ça ne t’appartiendra et rien de tout ça ne t’accompagnera dans ta tombe....

Au cours de ton séjour ici-bas, tu pourras améliorer ce qui peut l’être, mais tu seras aussi amené à détruire car c’est dans l’ordre des choses, mais essaye de faire tout cela dans le respect...toujours ! Ton ambition légitime résidera dans le simple fait d’améliorer d’abord la condition humaine et celle de ta discipline, et ce, avant ta propre condition...en t’efforçant de laisser la place aussi propre, sinon plus propre, que tu ne l’as trouvée.

=> Un recul nécessaire :

On dit souvent que « le rire est le propre de l’homme »(Bergson ), penses-y aussi souvent que tu ne sais plus où, ni quoi chercher...un peu de dérision et d’auto-critique à la vue de « l’insoutenable légèreté de l’être »(Kundera) n’a jamais fait de mal !!!

Souviens toi que l’on ne fait que manipuler des concepts faits de phrases, faits de MOTS... « épistémè » en grec...pendant que les astres continuent de tourner, et l’univers de s’étendre !!! Voilà la base la plus importante de « l’épistémologie »...notre inconséquence, et la vanité de nos actes...

Comme le disait Laplace à propos de l’existence de dieu : « je n’ai pas besoin de cette hypothèse...mais il se pourrait bien qu’il soit dans les parages... » ...restes disponible, sur la brèche, nourris toi de la relativité...comme disait Paracelse : « c’est la dose qui fait le poison »

Rendons nous au prochain « Homo...quelque chose », trompons la « reine rouge », avant la prochaine extinction de masse...pour franchir un obstacle, il faut parfois revenir sur ses pas, prendre du recul, et utiliser une course d’élan...et passer le cap !

Voilà donc pour les « garde fous », les écueils potentiels pour que tu t’en gardes...mis à part ces quelques « pense bête », prends surtout plaisir à la recherche, à l’étirement analytique...en solo, en équipe, le jour, la nuit, partout...en ne te focalisant pas que sur les résultats... L’intention, le chemin, le voyage vers les solutions sont « la » source d’un plaisir que l’on ne devrait pas comparer à celle ressentie par celui qui s’écrie « Eurêka !!!!! ».

Pour finir, n’oublies jamais que si l’on ne sait pas d’où l’on vient, on ne sait pas où on va...n’opposes donc pas les solutions du passé à celles du futur, ne sois pas tenté de toucher le fond de la « boîte de Pandore »...n’oublies pas Icare, Promethée, Cassandre, Aristarque, Coppernic à qui la soif de savoir a coûté l’honneur ou même la vie, ton bien le plus précieux....

Penses à écouter ton corps et aux plaisirs simples qu’il permet...n’intellectualises pas tout...ressens, manges, bois, respires, ris, aimes...ce n’est pas seulement parce que tu penses que tu es !!!

une belle éthique vaut mieux que des petites étiquettes...à bon entendeur...

P.S : Archimède, Zénon, Aristote, Pascal, Hume, Darwin, Descartes, Newton, Wegener,, Kepler, Bergson, Freud, Nietzsche, Poincaré, Einstein, Bohr, Planck, Higgs, Schrodinger...tous !...tous ont été des enfants, n’oublies jamais celui qui vit en toi et t’as donné un cap à suivre...son innocence est le plus grand des savoirs...le mot « imbécile » vient du latin « im-bécilis », littéralement : « sans béquilles » autrement dit, « l’imbécile heureux » n’a pas besoin des béquilles du savoir pour tenir debout...de même celui que l ’on qualifie de « stupide », est en fait capable d’être frappé de « stupeur »...la compréhension des mystères de ce monde ne lui est simplement pas indispensable...

inspiré de « la lettre à Ménécée » d’Epicure... Jonathan Stevant



jawskin,
date de publication : 28 février 2015,
date de dernière mise à jour : 28 février 2015


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